La constitution et l intervention des forces armées françaises en république centrafricaine

Comptes rendus du COLLOC de l’AFDS

La Constitution et l’intervention des forces armées françaises en République centrafricaine 

L’article 35 de la Constitution de 1958 modifié par la loi du 23 juillet 2008 précise que : « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement.

Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. 
Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort. 

Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante »

 

I. Le cadre juridique de l’intervention des forces armées à l’étranger 

La révision constitutionnelle de l’article 35 par la loi du 23 juillet 2008 a permis l’intervention des forces armées françaises à l’étranger.  Cette intervention est autorisée par la voie parlementaire. Les forces armées correspondent aux 3 armées (air, terre et marine) ainsi que la gendarmerie nationale. 

Les idées fortes de cette révision constitutionnelle sont :

– La Vème République est un régime parlementaire,

– un tel régime repose sur cette liaison entre la responsabilité du gouvernement et la dissolution de l’assemblée. La Constitution de 1958 prévoit que le Premier ministre est responsable de la Défense nationale. Celui-ci est responsable devant l’Assemblée nationale. Il faut alors combiner les articles 21 et 49 de la Constitution : le Premier ministre n’est pas responsable pour lui-même devant l’Assemblée nationale mais pour le Président de la République.

– les forces armées françaises ont à veiller à ne pas se couper de la Nation et en particulier de ses représentants (c’est-à-dire le Président, le Parlement, le Gouvernement). 

L’article 35 permet au Président de la République de venir rendre compte devant la représentation nationale de l’intervention qu’il a décidé des armées françaises sur un théâtre d’opération extérieure : «Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger ».  Cependant, cet article traduit une certaine ambigüité : le  compte rendu est fait par le Premier ministre, politiquement responsable alors que la décision est prise par le Président de la République.

 

II. Le fondement de l’intervention des forces armées françaises à l’étranger 

La France est un Etat de droit. Il doit exister une base juridique à l’intervention des forces armées françaises à l’étranger. Le Président de la République a rappelé récemment que la France a toujours respecté cette règle, mais dans les faits, cette position est contestable. En effet, l’intervention au Kosovo en 1999 n’avait pas de base juridique. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé le Président de la Russie lorsque ses interventions à l’étranger ont été contestées (Géorgie, Crimée…). 

Depuis ce précédent au Kosovo, on constate une réelle volonté de réaffirmation de ce fondement juridique. Le Président de la République avait envisagé d’agir en Syrie en septembre 2013. Pourtant, il n’existait pas de base juridique à cette intervention. On aurait pu envisager de légitimer cette opération par la protection des Droits de l’Homme mais cette justification semble assez vague. 

Dans l’exemple de la République Centrafricaine, l’opération Sangaris, l’intervention des forces armées françaises à l’étranger s’est faite dans un cadre légal. En effet, d’après une Résolution du Conseil de sécurité du 5 décembre 2013, le droit international était respecté.

Concernant l’opération Chammal (depuis le 20 septembre 2014) : la demande légale est directement issue du gouvernement irakien. Cette demande d’intervention fait référence à l’article 51 de la Charte des Nations unis sur la légitime défense d’un Etat qui se considère agressé.

 

III. La procédure de l’intervention des forces armées françaises à l’étranger 

La procédure de contrôle de la représentation nationale comporte 2 étapes :

La première correspond à l’information de l’intervention pour préciser les objectifs poursuivis devant Parlement.

Cette information devant l’Assemblée nationale se fait par le Premier ministre alors que devant le Sénat, elle peut également être  faite par le numéro 2 du Gouvernement.

L’information est une justification de la décision d’intervention du Président de la République et une explication de cette décision. Cette information va essentiellement servir à justifier l’intervention aux médias et à l’opinion publique.

Un débat devant chaque Assemblée a lieu systématiquement. Pourtant, cette procédure peut paraître contestable car dans la Constitution, ce débat est présenté comme une simple faculté et n’est pas obligatoire.

Le débat n’est pas suivi d’un vote mais il est envisageable de permettre à l‘Assemblée nationale de se prononcer en déclenchant une procédure de censure (Article 49 Ali 2). Cette procédure a d’ailleurs été déclenchée en avril 2008 par le député de Corrèze concernant  l’intervention en Afghanistan. 

L’information doit être donnée au plus tard 3 jours près l’intervention. Pourtant cette procédure n’a pas été respectée  lors de l’opération Sangaris en Centrafrique, ni lors de l’opération Chammal en Irak ou de l’opération Serval au Mali. En effet, le délai appliqué a été de 5 jours et non de 3. Cependant, ce délai de 3 jours peut être analysé comme donné à titre indicatif pour induire l’idée d’une information devant le Parlement la plus rapide possible.  

La seconde étape correspond à l’autorisation de l’intervention par le Parlement au Gouvernement  à la demande du Gouvernement d’avoir à prolonger l’intervention des forces armées à l’étranger.

L’autorisation n’est donnée dans la pratique actuelle qu’une unique fois. Elle vaut pour la durée de l’opération. L’autorisation doit être donnée en principe 4 mois après le début de l’intervention.

Lors de l’opération Sangaris, l’autorisation a été donnée 2 mois et demi après le début des opérations: (l’intervention a commencé 5 décembre 2013 et l’autorisation a été donnée 25 février 2014). 

Cette pratique apparaît contraire au texte. Ce délai de 4 mois doit permettre d’éviter que l’exécutif soit mis trop tôt sous contrainte parlementaire. Il y a une perturbation du schéma constitutionnel.

Pour l’opération Chammal en Irak, l’autorisation d’intervention a été accordée le 24 septembre 2014. Il conviendra de vérifier que l’autorisation de prolongation de cette intervention ait bien lieu le 24 janvier 2015. Si l’autorisation du Parlement est donnée plus rapidement, nous assisterons à une répétition de cette perturbation constitutionnelle et cet abaissement du délai pourrait rentrer dans la coutume. Finalement il s’agirait d’un mode de révision constitutionnelle souple due à l’acceptation du peuple du non-respect du délai prévu par la Constitution.